L’histoire de Rada
La sensibilisation est le meilleur remède
Je me souviens de tant de moments de mon combat contre le cancer colorectal. Ce qui m’a marqué, c’est que les gens me regardent avec pitié, en me demandant comment j’ai reconnu les signes. Il faut dire que la veille de mon diagnostic, j’aurais regardé une personne atteinte de la même façon et lui aurais posé les mêmes questions.
Comment j’ai su que les choses n’allaient pas? Je ne le sais pas exactement. J’ai senti les changements dans mon corps et j’en ai parlé avec mon médecin. Je me suis laissé réconforter par son assurance que tout était normal. J’avais, au même moment, un malaise et avais l’intuition que ce n’était pas le cas. Je connaissais mon corps, lui non. Bien qu’il n’aurait pas dû mettre à l’écart mes inquiétudes, je n’aurais pas dû le faire non plus. J’aurais dû écouter ma voix intérieure plus tôt et poser plus de questions, faire plus de recherche. C’était MA vie.
C’était 1999, mes filles avaient un et quatre ans. J’étais épuisée. Qui ne le serait pas, travaillant à temps plein avec deux enfants de moins de cinq ans? En plus de mon épuisement, j’étais constipée, mais ce n’était pas rare pour moi. Au fil du temps, mes vêtements ont commencé à devenir de plus en plus serrés à la taille et j’étais constamment ballonnée. Je me souviens très bien qu’un soir à la fin de l’été, je suis allée manger une crème glacée. Je n’arrivais pas à finir ma première boule. J’ai compris alors que quelque chose n’allait pas – je pouvais toujours en finir au moins deux! Il était temps de voir mon médecin.
La même chose s’est produite à chaque visite au cours des 8 mois suivants. « Docteur, quelque chose ne va pas, je me sens ballonnée et constipée pendant des semaines à la fois ». La solution qui m’était offerte consistait toujours de prendre des laxatifs. C’est ce que j’ai fait. J’en ai pris tellement que lorsque mon système fonctionnait, mes selles étaient aussi fines qu’un crayon. Après un certain temps, j’ai commencé à saigner et encore une fois, mon médecin ne s’est pas inquiété. Il était temps pour moi d’obtenir un deuxième avis.
Je suis allé voir mon médecin généraliste qui a confirmé que ce que j’avais vécu était anormal et m’a rapidement prescrit de faire un lavement baryté. Immédiatement après le test, le radiologue de la clinique m’a demandé depuis combien de temps je me sentais constipée. Je me demandais comment il savait que je n’allais pas aux toilettes. J’ai appris plus tard que c’était parce qu’il avait vu une tumeur de la taille d’une pêche presser contre mon gros intestin, le réduisant d’un diamètre moyen de 7cm à moins de 1cm. Si j’avais attendu encore un mois ou plus, il se serait fermé complètement et je serais probablement morte d’un choc septique.
Je n’étais pas encore arrivée à la maison que j’ai reçu l’appel de mon médecin. Ce qui a suivi a été une série d’examens physiques, beaucoup de piqûres, d’échographies et de prises de sang. Mon opération était prévue pour la semaine suivante par un chirurgien général. Ayant un beau-frère qui était radiologue, j’ai appris que si ma tumeur était cancéreuse, je devrais consulter un chirurgien spécialisé dans ce domaine. Un chirurgien oncologue? Est-ce que cela existait? J’ai dû me familiariser avec un domaine complètement nouveau très rapidement.
Et c’est ce que j’ai fait. Le fait d’avoir un chirurgien oncologue et d’avoir eu la chance de participer à un essai clinique m’ont permis d’être encore là, plus de 20 ans plus tard. Je n’avais pas non plus eu besoin d’un sac de colostomie permanent comme le chirurgien général avait initialement prévu. Ceci étant dit, le chemin n’a pas été facile. Il s’agissait d’une chimiothérapie préopératoire administrée par une pompe et une ligne PICC, ainsi que de cinq semaines de radiothérapie, d’une résection intestinale et une hystérectomie complète (la radiothérapie m’aurait exposée à un risque de cancer de l’ovaire et du col de l’utérus) et quatre mois de chimiothérapie postopératoires (au cours desquels j’ai acheté de la pizza pour les infirmières lors de chaque visite afin de m’encourager à me rendre à la prochaine étape).
On m’a informée que mes filles devraient commencer à subir un test de dépistage du cancer colorectal à partir de l’âge de 21 ans, ou 10 ans avant l’âge où moi, j’ai reçu mon diagnostic. Lorsqu’elles ont essayé de prendre ces rendez-vous, elles ont reçu des objections de la part de notre système de santé – vous êtes beaucoup trop jeune, ces tests ne sont pas justifiés – même en connaissant mon diagnostic. Elles ont dû se défendre elles-mêmes, ce qu’elles ont fait.
Qu’est-ce que j’ai appris au cours de cette expérience et depuis? La vie peut changer littéralement du jour au lendemain ou en moins d’une heure. Nous connaissons notre propre corps, nous ne sommes pas une moyenne, pas un nombre, ou une statistique. Si vous avez l’impression que quelque chose ne va pas, c’est que c’est le cas. La connaissance et la défense de ses intérêts en lien avec un traitement personnalisé sont essentielles. Souvent, nous ne savons pas ce que nous ne savons pas, il est donc primordial d’utiliser les ressources à notre disposition, de rechercher des informations et de partager l’expérience et les connaissances acquises. C’est probablement la chose la plus importante qui est ressortie de cette expérience : partager ce que je sais maintenant avec d’autres.
En résumé, la sensibilisation, les connaissances apprises, la positivité (c’est correct de penser positivement dans une situation terrible), le fait de prendre les choses un jour à la fois et le soutien combiné à la médecine sont les raisons pour lesquelles je suis ici aujourd’hui.
La chose la plus importante, je crois, pour éviter ou gérer le cancer colorectal est le dépistage préalable ET la connaissance de son corps. Quand il vous parle, il faut l’écouter.